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Réformes bancaires : les fausses et les bonnes pistes

Pour y voir plus clair dans la complexité de la crise actuelle, il faut apprendre à faire le tri et surtout à hiérarchiser les priorités. Pour les réformes bancaires, sur le plan des fausses pistes, il y a trois débats qui ne nous semblent pas d’actualité. Le niveau d’endettement des États, certes trop élevé, ne peut faire l’impasse sur le soutien de l’économie, et la gestion du remboursement de cette dette sera à concevoir au mieux à partir de 2024-2025. De même le débat sur l’inflation ne se pose pas aujourd’hui. Encore moins celui d’une hausse des taux d’intérêt, qui relève du moyen terme.

Deuxième économie de débats à réaliser, celle sur les questions relativement secondaires. En matière de rémunération des banquiers, bien sûr que des abus sont commis. Mais nous n’en sommes plus à quelques dizaines de millions près et, surtout, faisons confiance aux mécanismes de marché pour trouver un équilibre dans ce domaine.

 

Dernière fausse piste, de loin la plus importante, celles des normes prudentielles. Pour simplifier, il faut refondre complètement « Bâle 3 ». Bâle 3 a été conçu dans une période de relative stabilité et, au départ, a pénalisé fortement le financement des PME au profit des dettes publiques.

Quelques aménagements ont été apportés depuis, mais la philosophie reste presque la même. Alors que tout va se jouer dans la décennie qui vient sur les PME, seules véritables créatrices d’emploi, il faut que les normes prudentielles s’inversent et encouragent les banques à faire leur métier de base. Une véritable révolution culturelle doit s’opérer à Bâle.

Passons aux « bonnes pistes » de réflexion et de réformes. J’en vois quatre principales. Pour les banques en tant qu’entreprises, deux thèmes sont liés l’un à l’autre. D’abord, le contact client. Avec la baisse de la rentabilité de la banque de détail, la dématérialisation des procédures et la multiplication des normes, les banques sont aujourd’hui dans un « corner ». Car jamais la relation physique et intellectuelle des banques avec leurs clients n’est plus essentielle que pour sortir de la crise. Ceci pose la question de la formation bancaire. Celle-ci est aujourd’hui de bonne qualité. Mais est-elle adaptée aux mutations radicales de métier qui vont s’imposer aux salariés des banques à très court terme ?

Le deuxième défi que les banques vont avoir à relever est celui du financement des PME et surtout des TPE. Ces entreprises sont surendettées et sous-capitalisées. D’où la certitude d’innombrables mises en liquidation à l’horizon 2022 et 2023. Il faut un véritable « aggiornamento » des banques dans ce domaine. Car prêter et intervenir en fonds propres, ce sont deux métiers différents. Retour à la formation bancaire…

Deux autres défis sont prioritaires à moyen terme. D’abord, celui de la transition énergétique. A ce jour, au risque de caricaturer, les banques ont fait peu de choses hors les pages de leurs rapports annuels. Il va falloir « changer de braquet » alors même que la relance n’est pas totalement écolo-compatible. Il faut communiquer moins et agir plus.

Dernier défi, celui de la gouvernance bancaire. Qu’il s’agisse de la lutte anti-blanchiment ou, plus grave encore, de la vétusté des systèmes informatiques de contrôle, l’Europe bancaire a de gros progrès à réaliser. Si l’on ajoute à cela la composition endogène des conseils d’administration, le tableau paraît bien sombre, même si quelques rares progrès ont été accomplis et si le chemin sera nécessairement long. Tout espoir n’est donc pas, à ce jour, perdu.

Olivier Pastré est professeur à l’université Paris-VIII et membre du Cercle des économistes.