Une solution peu coûteuse au défi de la dépendance
Les coûts liés à la dépendance vont augmenter très fortement, qu’ils soient pris en charge par la dépense publique ou assumés par les dépendants. Une mesure permettrait de résorber cette impasse financière : proposer aux personnes âgées un prêt immobilier dépendance (PID), afin de leur assurer un revenu complémentaire.
Cela fait une dizaine d’années que quelques économistes (dont ceux de la chaire de transition démographique de Dauphine) tirent la sonnette d’alarme dans une indifférence quasi générale. Et pourtant, les chiffres sont là : les dépenses publiques consacrées à la dépendance augmenteront de 9 milliards d’euros à l’horizon 2030 et devraient dépasser 10 milliards par an en 2040, soit à peine un peu moins d’un demi-point de PIB.
Et ces chiffres ne tiennent évidemment pas compte des dépenses restant à la charge des dépendants, qui ont franchi la barre des 20 milliards d’euros en 2015. Cette véritable bombe financière à retardement était parfaitement prévisible. Elle est le produit du vieillissement de la population et de la progression des dépenses liées aux progrès de la médecine.
Il a fallu une dizaine d’années pour que les politiques prennent conscience de cette réalité pourtant évidente . Mais la plupart des propositions mises sur la table aujourd’hui visent, soit à augmenter l’âge du départ à la retraite , soit à augmenter de manière plus ou moins directe et plus ou moins discrète les impôts. Le lecteur reconnaîtra que ces solutions ne sont pas très vendeuses dans la période actuelle…
Il est pourtant une solution toute simple, quasiment sans coût pour l’Etat, qui, certes, ne peut pas faire complètement disparaître l’impasse financière, mais qui peut singulièrement contribuer à la résorber.
Ce dispositif vise à proposer aux personnes âgées un prêt immobilier dépendance (PID) au moment de leur entrée en perte d’autonomie, sans besoin d’anticiper cette situation, afin de leur assurer un revenu complémentaire pour financer leurs besoins. Le prêt serait garanti par le bien immobilier dont est propriétaire le souscripteur et serait calibré en fonction du niveau de dépendance et de l’espérance de vie correspondante.
Ce prêt permet de couvrir tout ou partie du reste à charge en favorisant le maintien à domicile, d’assurer le maintien du conjoint survivant dans sa résidence principale, et – ce qui n’est pas le moindre – de contenir la progression du coût de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) pour les collectivités locales.
Le contraire du viager
La garantie apportée sur le PID repose sur la création d’un fonds de garantie, dont les principaux actionnaires seraient les collectivités territoriales et certains acteurs institutionnels. Cette société de financement est conçue sur le modèle de la BDPME et d’Oséo, alors pilotés par Jacques-Henri David, modèle qui a prouvé son efficacité en matière de financement des PME. Elle sera financée par un pourcentage minime des prêts. Ces sommes permettront au fonds de garantie de financer les remboursements en compensation du risque de longévité. Ce fonds sera ensuite non seulement autofinancé, mais l’accumulation d’un pourcentage des prêts lui permettra de garantir plus largement les moins favorisés.
Les trois quarts des ménages français sont propriétaires d’un bien immobilier. Le PID est l’antithèse du viager, mécanisme provoquant, à juste titre, la méfiance des Français. Le PID présente trois avantages : la simplicité de la démarche pour la personne dépendante, une gestion s’appuyant le plus possible sur les organismes existants, et une optimisation du coût budgétaire.
Une cathédrale peut être détruite en quelques heures, mais il faut des décennies pour la construire. Le mécanisme du PID, tout simple, pour peu que la volonté politique existe, peut se construire en quelques années et éviter que notre système de financement de la dépendance ne s’effondre dans cinq ou dix ans en quelques mois…
Olivier Pastré est membre du Cercle des économistes. Arnaud Jacquillat est directeur général d’Associés en Finance